Le 30ème rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés ( ex Fondation Abbé Pierre) aborde principalement la question du handicap et du mal-logement. Mais avant, dans une longue introduction, il montre comment la France s’enfonce dans la crise du logement. Nous avons retenu quelques points.

Les alertes se multiplient :

La demande de logement social ne cesse de s’accroître d’année en année. Elle a plus que doublé au cours des 20 dernières années. La progression de l’offre disponible à la location issue des logements neufs et de la libération des logements existants tend à ralentir à cause de l’insuffisance de production de logements et à un taux de rotation des ménages dans le parc en diminution.
La contribution de la construction neuve au développement du parc social est en forte baisse au cours de la dernière période. La construction de logements sociaux se rétracte de façon continue et est encore amenée à baisser. Elle est ainsi passée de 124 000 logements sociaux financés en 2016 à 82 000 en 2023 (-33 %) et sans doute à peine plus en 2024.
Une conséquence est le nombre croissant de personnes sans domicile pour lesquels les solutions d’hébergement sont sans cesse insuffisantes.
Dans un rapport, la Délégation interministérielle de l’hébergement et de l’accès au logement (Dihal) a estimé que le parc d’hébergement généraliste, pour suivre les besoins, devrait passer de 203 000 places aujourd’hui à 300 000 en 2027.

La lente montée de la pauvreté :

Une nouvelle estimation a été réalisée par l’Insee pour prendre en compte le maximum de personnes qui ne sont pas logées dans un logement ordinaire. Cela conduit à ajouter aux 9,1 millions de pauvres vivant en logement ordinaire en France métropolitaine plus de deux millions de personnes qui n’étaient pas comptabilisées jusqu’à maintenant soit un total de 11,2 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté en France en 2021.
Ce supplément inclut 280 000 prisonniers, personnes âgées et autres personnes résidant en collectivité, 100 000 en habitations mobiles, 200 000 autres sans aucun domicile, et 1,5 million de personnes en incluant les cinq départements ultramarins.
A noter que 2,1 millions de personnes exercent un emploi mais disposent d’un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté selon l’Insee. Cela montre, après des années de baisse du chômage, que la précarité de l’emploi et les bas salaires sont des causes majeures de pauvreté.
Tout ceci dans un contexte d’accroissement des inégalités creusées notamment par certaines mesures sociales et fiscales comme l’a montré une étude de l’Insee :
« Pour les 10 % les plus modestes, les mesures de 2023 ont induit une perte moyenne de 290 euros annuels de niveau de vie, pour l’essentiel du fait de la non-reconduction de la plupart des mesures de soutien au pouvoir d’achat prises en 2022 (revalorisation anticipée des minima sociaux, indemnité inflation, chèque énergie exceptionnel, etc.). À l’autre extrémité de l’échelle, les mesures prises en 2023 soutiennent le niveau de vie des 10 % les plus aisés de 280 euros principalement du fait de la suppression de la taxe d’habitation pour les ménages aisés »

Une action publique entre immobilisme et renoncements

A la crise du logement pour les populations modestes s’est superposée un crise de la construction immobilière : les préoccupations économiques de relance de l’activité immobilière ont pris le pas sur la dimension sociale de la politique du logement, sans parler de son volet environnemental. Lors de sa conférence de presse du 27 février 2025, le président du pôle habitat de la Fédération Française du Bâtiment a même déclaré : « La bombe sociale a explosé, aujourd’hui c’est un incendie. Il faudra du temps pour l’éteindre. Derrière l’industrie que nous représentons, il y a des besoins primaires pour nos concitoyens ! ». D’autant plus qu’à l’approche des élections municipales de 2026, les maires vont avoir tendance à se montrer très prudents vis-à-vis des permis de construire à accorder.
La Fédération des promoteurs immobiliers se montrait un peu plus optimiste à la même date grâce à l’amélioration des conditions de financement et aux mesures de la loi de finances 2025 : extension du prêt à taux zéro sur l’ensemble du territoire national et exonération temporaire des donations pour l’achat d’un logement collectif neuf.
Nous entrons dans une période de ralentissement durable de la construction de logements sociaux qui limite l’élargissement du parc social à environ 50 000 logements par an (compte tenu de l’impact des démolitions et des ventes de logements sociaux), sans être certains que ce rythme puisse même être maintenu dans les années à venir alors que la demande continue à progresser. Alors que les agréments Hlm ont chuté à 82 000 en 2023 et sans doute environ 84 000 en 2024, des niveaux jamais vus depuis 20 ans, la Banque des Territoires estime dans son étude annuelle Perspectives que les contraintes financières actuelles limiteront à terme la production autour de 72 000 logements sociaux par an.
Au-delà d’un ralentissement de l’activité des organismes Hlm, on observe un changement de modèle pour le logement social, basé sur le développement du logement intermédiaire et de la vente Hlm, censé compenser les coupes budgétaires