13 ans : c’est le temps qu’il a fallu pour mettre un terme à la procédure lancée par la ville pour justifier le non-respect de réalisation de son objectif triennal 2005-2007 de construction de logements locatifs sociaux découlant de la loi SRU[1].
Pour respecter le code de la construction applicable pour la période triennale 2005-2007, la ville de Neuilly-sur-Seine s’était vu fixer l’objectif de réaliser 746 logements sociaux afin d’atteindre en 2025 le taux de 20 % de logements locatifs sociaux par rapport au nombre de résidences principales. Or Neuilly, à l’issue de la période triennale n’avait atteint que 49 % de cet objectif.
Le déroulement du feuilleton judiciaire
Le préfet des Hauts-de-Seine avait alors prononcé la carence de la ville par un arrêté du 16 juillet 2008 et saisi la commission départementale. Celle-ci avait estimé que l’absence d’atteinte de l’objectif s’expliquait par des raisons objectives et avait saisi la commission nationale. Cette dernière, par un avis du 4 mars 2009 avait recommandé au ministre chargé du logement de réduire l’obligation triennale suivante 2008-2010 de 746 à 600 logements. Mais le ministre avait maintenu l’objectif initial (décision du 3 novembre 2009) ce qui avait conduit la ville à se tourner vers la cour administrative de Versailles. Celle-ci avait alors annulé cette décision pour insuffisance de motivation le 28 mars 2013. Par une nouvelle décision du 15 octobre 2013, le ministre avait réitéré son refus de modifier l’objectif triennal de la commune.
La commune avait alors demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler pour excès de pouvoir la décision du ministre du 15 octobre 2013. Par un jugement du 17 juillet 2017, le tribunal avait rejeté la demande.
La commune avait alors fait appel auprès de la cour administrative d’appel de Versailles. Celle-ci estimant que Neuilly pouvait se prévaloir de raisons objectives pour justifier l’insuffisance de réalisation de logements sociaux (la rareté du foncier et son coût prohibitif sur son territoire), avait annulé, par un arrêt du 20 juin 2019, le jugement du tribunal administratif de 2017 et la décision du 15 octobre 2013.
Mais par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés le 20 août et le 20 novembre 2019 auprès du secrétariat du contentieux du Conseil d’État, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, avait demandé au Conseil d’État d’annuler cet arrêt.
C’est ce qu’il vient de faire le 2 juillet 2021.
Les arguments des protagonistes
Comme on l’a vu, la commune de Neuilly, les commissions départementale et nationale et la cour administrative de Versailles ont fait valoir comme raisons objectives la rareté et le coût anormalement élevé du foncier sur le territoire de Neuilly, l’empêchant de réaliser le nombre élevé de logements locatifs sociaux de l’objectif triennal.
Le ministère a développé plusieurs arguments pour motiver sa décision de maintenir l’objectif triennal de 746 logements. D’abord, sur la période 2005-2007, la ville ne disposait pas d’un programme local de l’habitat qu’elle aurait dû renouveler après la fin du 1er en 1999. A défaut, elle aurait pu modifier ou réviser ses documents d’urbanisme (POS puis PLU) pour y inscrire des emplacements réservés au logement social ou imposer un quota minimum de logements sociaux dans les programmes immobiliers. S’étant contentée d’autoriser une majoration du coefficient d’occupation des sols pour la construction de logements sociaux, l’État a estimé qu’elle n’avait pas tenté tout ce qui était en son pouvoir pour réaliser du logement social. Autre argument, l’absence de terrains inondables inconstructibles sur le territoire qui auraient pu justifier le non respect de l’objectif triennal.
Où en est Neuilly-sur-Seine aujourd’hui ?
Le nombre de logements sociaux au sens de la loi SRU est passé de 759 en 2003 à 1 970 en 2020 et le taux de 2,6 % à 6,5 % mais ce dernier n’a pas bougé depuis 2017.
Compte tenu du nombre très élevé de logements sociaux manquants (5 680), l’objectif triennal qui était donc de 746 sur la période 2005-2007 est passé à 2 840 sur la période 2020-2022, en raison du retard accumulé par la ville et du changement de la loi qui a fait passer le taux à atteindre de 20 % à 25 %.
[1]Source : Légifrance Conseil d’État, 5ème – 6ème chambres réunies, 02/07/2021, 433733