La « Nuit de la Solidarité » est une action solidaire qui vise à décompter les personnes sans abri et sans solution d’hébergement afin de mieux connaître leurs profils et leurs besoins en vue de leur apporter des réponses adaptées. Elle a aussi pour but de sensibiliser le grand public aux enjeux de la grande exclusion.
Elle rassemble des acteurs locaux, des associations, des habitants qui, dans les communes volontaires, parcourent la ville pour repérer ceux qui sont contraints de dormir dehors[1] dans les espaces publics (rues, parcs et jardins, bois et forêts, bretelles d’autoroute, talus du périphérique…), les espaces privatifs (certains espaces communs de bailleurs sociaux, parkings…), les équipements (stations de métro et de RER, gares, hôpitaux…), les campements.
Mais certaines personnes ne sont pas visibles et ne sont pas décomptées.
Cette année, 7ème édition pour Paris intra-muros et 3ème organisée par la Métropole du Grand Paris, ce sont près de 4 000 volontaires, citoyens et professionnels et environ 170 associations qui ont couvert 730 secteurs de décompte dans le Grand Paris.
Les premiers résultats[2] ont été publiés dès le 5 février et nous en reprenons quelques éléments tels quels. Ce premier dépouillement[3] donne un chiffre global de 4 277 personnes sans-abri dont 3 492 à Paris intra-muros, soit 82 % (en augmentation de 16 % en un an pour la 2ème année consécutive) et 785 dans les communes de la MGP.
Le nombre de communes de la MGP qui s’associent à cette démarche progresse : de 9 en 2022, elles étaient 27 en 2023 et 32 cette année. Au total, un tiers du territoire métropolitain a été sillonné, correspondant à 50 % des habitants du Grand Paris.
Dans les 32 communes du Grand Paris, 65 % des personnes sans-abri ont été rencontrées dans les rues, 35 % dans d’autres types d’espaces (stations de métro et de RER, hôpitaux, espaces verts, parkings, véhicules, caves…). Parmi les personnes rencontrées, 11 % étaient des femmes et 89 % des hommes.
Pendant la Nuit de la Solidarité de 2023[4], 37 % des personnes sans-abri rencontrées à Paris l’étaient pour la 1ère fois , 48 % dans les autres communes. A Paris, 68 % avaient déjà connu plusieurs épisodes de rue et 53 % dans les autres communes. Enfin, 27 % à Paris et 26 % dans les 32 communes n’avaient jamais connu de solution d’hébergement.
Pour ceux qui avaient connu une solution d’hébergement, 36% à Paris et 41 % dans les communes avaient été hébergés chez un tiers, 32% et 19 % respectivement dans des centres d’hébergement, 16 et 13 en hôtels (16 % et 27 % autres solutions ou non déclarées).
Dans les Hauts-de-Seine en 2024, Asnières, et Boulogne-Billancourt ont rejoint Villeneuve-la-Garenne, Colombes, Nanterre, Courbevoie, Rueil-Malmaison, Ville d’Avray, Sèvres, Issy-les-Moulineaux soit 10 communes sur les 36 du département, plus La Défense. Pendant la Nuit de la Solidarité, 153 personnes sans-abri y ont été décomptées, 100 l’avaient été l’an dernier. L’augmentation est due aux deux communes qui ont rejoint la Nuit de la Solidarité (31 personnes) et probablement à un décompte spécifique de La Défense (dont seul le secteur de Courbevoie avait été décompté en 2023).
Cette nuit-là, la météo était la suivante : « Les températures seront comprises entre 11 et 13°C. Des pluies éparses sont prévues dans la soirée. Il va faire 11°C en moyenne. Entre jeudi et vendredi, la nuit sera brumeuse. »
Ce soir-là, les « 115 » de Paris et de la petite couronne n’ont pu répondre favorablement à de nombreux appels pour un hébergement, faute de places :
▪ 807 demandes non pourvues à Paris, dont 279 personnes seules et 167 familles (dont 250 mineurs)
▪ 464 en Seine-Saint-Denis, dont 355 familles (184 mineurs), 92 personnes en couples, 34 femmes enceintes, 9 hommes seuls, 7 femmes seules
▪ 46 dans les Hauts-de-Seine, dont 20 hommes seuls, 10 femmes isolées, 4 couples sans enfant, 1 groupe d’adultes sans enfant, 1 femme seule avec 2 enfants de 13 ans et 15 ans, 1 couple avec 2 enfants de 4 ans et 2ans
▪ 62 en Essonne, dont 30 hommes seuls, 18 femmes isolées, 2 couples sans enfant, 2 familles avec enfants (6 mineurs)
▪ Données non disponibles pour le Val-de-Marne
Pour rappel : les résultats de l’édition 2023 de la Nuit de la Solidarité montraient que 7 personnes sans-abri sur 10 n’appellent pas le 115, une proportion en hausse ces dernières années.
Sachant que le territoire sillonné correspond à 50 % de la population métropolitaine (c’est à dire 3 543 310 habitants), on peut estimer grossièrement le nombre de personnes sans-abri pendant la Nuit de la Solidarité sur le territoire du Grand Paris. A Paris, il y a eu cette nuit-là 1,6 personne à la rue pour 1 000 habitants (3 492 pour 2 145 906 habitants en 2020). Dans les 32 autres communes sillonnées, Il y a eu 0,6 personne à la rue pour 1 000 habitants (785 pour 1 397 404 habitants) soit 2 775 pour l’ensemble des trois départements 92, 93 et 94 (population totale (4 940 713 habitants). On peut donc estimer que le nombre de personnes à la rue, cette nuit-là, était d’au moins 6 300 dans la Métropole du Grand Paris. Ce nombre est très probablement sous-estimé compte tenu du nombre de personnes que les équipes ont pu ne pas croiser.
Les données de ce premier comptage peuvent être mises en regard des 47 416 places d’hébergement existantes au 31/12/2023 (généralistes et du dispositif national d’accueil ) dont 29 010 à Paris et 18 406 dans les trois départements limitrophes, auxquelles on peut ajouter les 29 069 nuitées hôtelières de la nuit du 25 au 26 janvier (7 129 à Paris et 21 940 hors Paris) soit 76 485 au total. Les personnes sans-abri (estimation), représenteraient ainsi autour de 10 % de l’ensemble des places déjà mobilisées.
Les résultats des différentes éditions de la Nuit de la Solidarité ainsi que les entretiens réalisés au cours de l’étude de l’APUR sur l’hébergement et services à destination des personnes sans domicile [5] « mettent en évidence d’autres besoins importants pour leur vie quotidienne et leurs démarches pour trouver un logement. Parmi les sujets de préoccupation, ressortent en particulier les enjeux autour de l’accompagnement social et de l’accès aux droits, de la domiciliation, de l’accès à un espace pour stocker ses affaires (permettant dès lors l’accomplissement de démarches et la liberté de mouvement en journée, la sécurité le soir), de l’aide alimentaire (sous pression dans un contexte d’inflation et de renouvellement des publics bénéficiaires), de l’accès à l’hygiène (douches, sanitaires…) et à l’offre de soins. »
[1] Ne font donc pas partie du champ de la Nuit de la Solidarité : les personnes hébergées (en hôtels, centres d’hébergement, gymnases, chez des tiers…), en squats ou en aires d’accueil organisées.
[2] La Nuit de la Solidarité Premiers résultats du décompte de la nuit du 25 au 26 janvier 2024 Métropole du Grand Paris, Ville de Paris, UNCCAS, APUR 5 Février 2024
[3] Ces premiers résultats seront consolidés d’ici l’été 2024
[4] Hébergement et services à destination des personnes sans domicile dans le Grand Paris APUR Décembre 2023
[5]Hébergement et services à destination des personnes sans domicile dans le Grand Paris APUR Décembre 2023