Une enquête de la DREES[1] faite début 2021 pour l’ensemble de la France métropolitaine permet de mieux connaitre qui est hébergé dans l’ensemble des structures d’hébergement dont le nombre et les missions ont connu un essor important ces dernières années.
Plusieurs facteurs ont contribué au développement des places d’hébergement depuis l’enquête précédente de 2016[2] :
- d’une part les pouvoirs publics ont dû ouvrir et financer de plus en plus de places pour répondre à l’impossibilité pour une partie des populations fragiles de trouver une réponse dans le parc de logement, social et autre, ce qui correspond à la fonction de l’hébergement généraliste dont le nombre de places permanentes (ouvertes toute l’année ou durant la période d’ouverture de la structure). s’est accru de 25 300 entre 2016 et 2021,
- d’autre part l’impact des vagues migratoires et de la prise en charge des personnes migrantes a entraîné la progression du nombre de places permanentes en CADA (centres d’accueil des demandeurs d’asile) et CPH (centres provisoires d’hébergement) : + 15 500 entre 2016 et 2021 et la mise en place du DNA (dispositif national d’accueil pour les demandeurs d’asile et les réfugiés) dans lequel entrent maintenant les structures HUDA (Hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile) et CAES (centres d’accueil et d’examen des situations) qui offrent 49 400 places permanentes début 2021.
Début 2021, on comptait 3 100 établissements :
1 900 étaient regroupés dans la catégorie des hébergements généralistes : centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et « autres centres d’accueil », notamment les centres d’hébergement d’urgence (CHU), ainsi que les résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS). Ils offraient près de 110 000 places permanentes et temporaires.
1 030 établissements relevaient du DNA et offraient 102 500 places permanentes et temporaires. Le dispositif DNA comprend les CAES, CADA , HUDA et CPH. Ce dispositif joue un rôle de premier accueil des demandeurs d’asile qui, normalement une fois leur situation administrative clarifiée, sont soit orientés vers les dispositifs classiques de droit commun (hébergement généraliste ou logement social) soit sortent de tout type d’accueil officiel.
170 établissements d’accueil mère-enfant (EAME) proposaient 6 200 places d’hébergement.
L’ensemble de ces structures totalisait 218 200 places (dont 210 500 permanentes) début 2021 et accueillait 197 300 personnes (dont 190 700 en places permanentes) soit un taux d’occupation de 90 %.
Il est important de signaler que cet ensemble de structures d’hébergement ne comprend pas les hôtels dont le nombre de places est de l’ordre de 70 000 ( dont 75 % en Ile-de -France).
Qui sont les personnes hébergées ?
Beaucoup de jeunes : un tiers de mineurs
Dans l’ensemble des personnes hébergées, 32 % ont moins de 18 ans (22 % dans la population totale). Les mineurs représentent une part importante des personnes hébergées dans les établissements généralistes (31 % en CHRS et 34 % dans les autres centres d’accueil), ainsi que dans les Cada[3] (40 %) et les CPH (29 %). Les jeunes adultes sont aussi surreprésentés, particulièrement dans le DNA : les 18-24 ans et les 25-34 ans y représentent respectivement 17 % et 32 % des personnes hébergées (8 et 12 % dans la population totale).
À l’inverse, les personnes de 50 ans ou plus sont fortement sous-représentées : 9 % des personnes hébergées sont dans cette tranche d’âge, contre 40 % de l’ensemble de la population résidente en France.
Beaucoup d’hommes, de personnes seules
57 % des personnes hébergées (adultes et enfants) sont de sexe masculin. Cette surreprésentation masculine (48 % dans la population totale) est générale; elle est accentuée dans les structures du DNA hors Cada : il y a 89 % d’hommes en CAES, 68 % en Huda et 67 % en CPH.
Les personnes seules sans enfant représentent 58 % des adultes hébergés, quatre sur cinq étant des hommes.
On note que 16 % des adultes hébergés sont des personnes seules avec enfant(s) (contre 7 % des adultes dans l’ensemble de la population), essentiellement des mères isolées.
Beaucoup d’étrangers
Les structures de l’hébergement généraliste accueillent une majorité d’étrangers (67 % avec 60 % de non ressortissants de l’UE) : 55 % en CHRS et 77 % dans les autres centres d’accueil. Un nombre non négligeable de demandeurs d’asile ou de bénéficiaires d’une protection internationale y sont hébergés. Les Français sont là à la suite d’accidents de la vie, de ruptures etc. et cela correspond à la fonction traditionnelle d’accueil des personnes qui « tombent à la rue » et pour qui les centres d’hébergement généraliste ont été mis en place initialement.
Dans le DNA, toutes les personnes hébergées sont ressortissantes d’un pays hors UE : 64 % sont demandeurs d’asile hors procédure Dublin, 22 % bénéficiaires d’une protection internationale (réfugiés, bénéficiaires d’une protection subsidiaire, apatrides) et 6 % sont des « Dublinés ». Les Cada, Huda et CAES accueillent, par définition, une très forte proportion de demandeurs d’asile et les CPH de bénéficiaires d’une protection internationale, mais une part non négligeable de ces derniers sont aussi en Cada et Huda (16 %), ce qui pourrait correspondre à des personnes ne s’étant pas encore vu proposer une solution alternative d’hébergement ou de logement.
Dans les EAME, 40 % des personnes sont étrangères, dont 38 % non ressortissantes de l’UE.
Au total, sur les 197 300 personnes accueillies dans l’ensemble des structures d’hébergement, 81 % n’ont pas la nationalité française, parmi lesquelles 77 % sont ressortissantes d’un pays hors de l’Union européenne (UE). On le voit, en 2021, l’hébergement est essentiellement un refuge pour les étrangers.
Où habitaient précédemment les personnes hébergées ?
Plus de la moitié, 56 %, viennent d’une structure d’hébergement pour personnes en difficulté ou avaient une place d’hébergement en hôtel, 17 % étaient sans abri, 12 % hébergées ou logées par un tiers, 5 % disposaient d’un logement personnel et 5 % vivaient dans une habitation mobile ou de fortune. Dans les Cada, Huda et CAES, l’arrivée sur le territoire français est le principal motif d’admission évoqué, alors que dans les structures généralistes, à côté de la sortie de la rue (20 % des cas) ou d’une structure d’hébergement (un tiers), les facteurs mentionnés sont essentiellement familiaux : violences conjugales, rupture conjugale ou familiale.
Une personne hébergée sur deux l’est depuis au moins un an
L’ancienneté de prise en charge par l’établissement des personnes présentes au 31 janvier 2021 est en moyenne de 18 mois. L’ancienneté moyenne est très variable selon le type de structure. Elle est plus élevée dans l’hébergement généraliste : 20 mois en moyenne dans les CHRS (+4 mois par rapport à fin 2016). 28 % des personnes accueillies début 2021 en hébergement généraliste sont même prises en charge depuis au moins deux ans et 5 % depuis au moins cinq ans.
D’une manière générale, on observe un allongement des durées de séjour : l’ancienneté est en moyenne plus élevée dans les hébergements classiques que dans les centres DNA (20 mois contre 16 mois). On observe dans les centres classiques de plus en plus fréquemment des durées de séjours longues et très longues.
Le manque de fluidité général fait que les structures d’hébergement de tout type sont engorgées et ne peuvent répondre à leurs objectifs initiaux : une réponse est d’augmenter le nombre de places d’accueil ou de diversifier les dispositifs.
C’est le cas des CPH dont le nombre de places a été multiplié par cinq depuis 2016 pour atteindre 8 700 début 2021 : les CPH accueillent les familles ou les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié délivré par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) ou la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Ils proposent également un accompagnement socio-professionnel garantissant une première insertion en France (accès aux droits, scolarisation, suivi médical etc.).
Les conditions d’insertion des personnes hébergées
Premier critère : la maitrise de la langue
Près des trois quarts des personnes étrangères de plus de 10 ans accueillies dans les établissements parlent au moins un peu français, et plus d’un tiers (39 %) le parlent couramment. Celles ne parlant pas français sont assez rares dans les structures d’hébergement généraliste : elles n’y représentent que 9 % des effectifs
Au sein du DNA, la maîtrise du français des étrangers varie selon leur durée supposée de séjour en France. Ainsi dans les Cada et Huda, qui sont dédiés aux personnes ayant déjà fait une demande d’asile, la part d’individus ne parlant pas français y est plus faible (44 % dans les Huda, 37 % dans les Cada) que dans les CAES (lieu de premier accueil). Enfin, les CPH accueillent des bénéficiaires d’une protection internationale, qui ont donc a priori un parcours plus long sur le territoire français : ils ne comptent que 17 % de personnes ne parlant pas français
Le travail
15 % des adultes hébergés ont une activité professionnelle. Ils se trouvent principalement dans les structures d’hébergement généraliste : 20 % des adultes dans les autres centres d’accueil ont un emploi, ainsi que 28 % de ceux en CHRS.
46 % des adultes hébergés sont dans l’incapacité administrative de travailler. Ils sont surreprésentés dans les Cada (78 % des adultes), les Huda (77 %) et les CAES (87 %). En effet, les demandeurs d’asile ne peuvent être autorisés à travailler qu’après un délai de six mois à la suite de l’enregistrement de leur demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Cette part est aussi élevée dans les autres centres d’accueil (33 % des adultes), notamment en raison de la présence de personnes sans papiers.
Un adulte hébergé sur cinq touche le RSA
Un cinquième des adultes hébergés (20 %) perçoivent le revenu de solidarité active. Leur part est plus faible dans les Cada, Huda et CAES (10 % ou moins). En général, les conditions d’attribution ne permettent pas aux adultes qui y sont hébergés d’y être éligibles, notamment à cause de la condition portant sur la durée de séjour en France, qui ne s’applique cependant pas à tous les non-ressortissants de l’UE.
Très peu d’adultes (4 %) touchent l’allocation aux adultes handicapés (AAH) , cette part étant plus élevée dans les CHRS (9 %) et les autres centres d’accueil (5 %). Les personnes hébergées peuvent percevoir d’autres revenus, notamment l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) dont bénéficient près de huit adultes sur dix en Cada et Huda.
[1] « 200 000 personnes accueillies en centre d’hébergement début 2021 Premiers résultats de l’enquête ES-DS Anthony Caruso » LES DOSSIERS DE LA DREES N° 113 • octobre 2023. La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) est une direction de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux.
[2]Les champs des deux enquêtes ne se recoupent pas totalement. Pour l’essentiel, les CAES et Huda n’étaient pas dans le champ de l’édition précédente de l’enquête, portant sur l’année 2016. Les CAES n’existaient pas encore. Une petite partie seulement de ce que sont en 2020 et 2021 les Huda était dans le champ : les établissements d’accueil temporaire – service de l’asile (AT-SA). Les Huda comprennent aussi notamment les ex-centres d’accueil et d’orientation (CAO), ainsi que les établissements du programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (Prahda).
[3]Plus de 99 % des mineurs en Cada et en Huda accompagnent une famille ou un groupe : il ne s’agit donc pas de mineurs non accompagnés (MNA). Les MNA relèvent de l’aide sociale à l’enfance.