Notre Président de la République et son Gouvernement nous entraînent, en permanence, dans un tourbillon vertigineux de réformes qu’on peut juger nécessaires pour adapter notre pays aux défis des évolutions du monde contemporain. Mais, en tout logique, on est en droit de penser que si l’on réforme c’est pour faire mieux ! On peut pourtant estimer que le compte n’y ait pas en ce qui concerne le mal-logement. Pourquoi ?
Emmanuel Macron avait prononcé trois phrases fortes qui laissaient espérer une suite opérationnelle satisfaisante :
1- Je veux provoquer un choc de l’offre !
2- Le logement d’abord (pour un accès direct de la rue à un logement pérenne).
3- Zéro SDF dans les rues “d’ici la fin de l’année 2017”.
Eh bien, les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux et des besoins…
Pour bien saisir la situation, on ne peut comprendre les insatisfactions actuelles sans mettre en relation les propositions contenues dans le projet de Loi ELAN avec la Loi de Finances 2018 votée en décembre 2017. Qu’en est-il ?
La Loi de Finances 2018 a prévue de faire payer une partie de l’APL par les organismes d’HLM, en les obligeant -de manière autoritaire- à baisser les loyers d’équilibre : La conséquence est la diminution de leurs fonds propres nécessaires à l’équilibre du financement des opérations de constructions.
Rappelons la structure financière moyenne d’un programme de logements sociaux neufs ou de réhabilitation :
– 70 % d’emprunts (pour l’essentiel venant de la Caisse des Dépôts),
– 15 % de subventions (Etat et Collectivités Locales),
– 15% de fonds propres (résultats des excédents liés à la bonne gestion).
La diminution des fonds propres des organismes HLM va provoquer un choc de l’offre à l’envers à très court terme.
A titre d’exemple prenons le cas de l’Office Départemental des Hauts-de-Seine. Pour la période 2017-2026 cet important OPH avait prévu :
– la construction de 500 logements neufs par an (c’est à dire environ 5 000 logements sur les 10 ans),
– et le réhabilitation de 600 logements chaque année (6 000 pour les 10 ans).
Les prévisions viennent d’être revues à la baisse pour tenir compte des restrictions financières. Ce sera pour a même période :
– 180 logements neufs par an (donc 1 800 au lieu de 5 000),
– et 300 réhabilitations (donc 3 000 au lieu de 6 000).
Une situation identique va se produire pour la presque totalité des organismes HLM.
Moralité : la loi de l’offre et de la demande en matière de politique du logement peut fonctionner pour les gagnants et ceux qui ont les moyens mais ne marche pas pour les personnes et familles ayant des ressources limitées.
En diminuant de façon aussi importante la production de logements sociaux on prend le risque de compromettre la réussite des objectifs fixés par le Président de La République :
La diminution de l’offre de logements à prix abordable rend plus difficile la mise en oeuvre de l’objectif “logement d’abord”,
Et la déclaration du ministre Julien Denormandie :” il n’y a plus qu’une cinquantaine de SDF dans les rues de Paris” traduit un manque de connaissance de la situation réelle.
Si tout n’est pas négatif dans le projet de Loi Elan, il souffre d’un manque d’une vision stratégique proposant une vraie politique d’un logement pour tous, compatible avec les capacités contributives de chacun, notamment en matière d’hébergement et de logements à prix abordables.
Les retards accumulés ne se rattraperont pas facilement, sans compter les effets du découragement ressenti par tous ceux qui conduisent des actions contre la précarité et le mal Logement…
Lors du débat parlementaire, les députés auront-ils conscience que ceci n’est pas à la hauteur des enjeux ? Et sauront-ils, vraiment, donner un nouvel élan ?