A l’occasion des 20 ans de la loi SRU et du bilan triennal 2017-2019 effectué par l’État, la Fondation Abbé Pierre a tiré une conclusion[1] : « une loi de plus en plus efficace, mais inégalement respectée ». On le constate aussi dans le département des Hauts-de-Seine.

Les résultats sont mesurés à travers les deux objectifs de la loi : le quantitatif, soit le nombre global de logements sociaux à réaliser pendant la période 2017-2019 et le qualitatif : au moins 30 % de la production Hlm des communes SRU doit se faire en PLAI sans dépasser 20 ou 30 % de PLS (réforme de 2013).En reprenant  rapidement les chapitres du rapport de la FAP sur le respect de la loi, on s’aperçoit que dans chacun d’entre eux, une commune des Hauts-de-Seine est citée.

Le respect de la loi est très inégal selon les régions. L’Île-de-France et Paca, régions les plus tendues, les plus chères et les plus ségrégées,  sont celles qui comptent le plus de villes en retard. Parmi les 14 villes de plus de 100 000 habitants concernées, 6 n’ont pas respecté leurs objectifs, dont  Boulogne-Billancourt, qui a respecté son objectif qualitatif mais pas quantitatif.

Si de nombreuses communes ont accompli des efforts pour rattraper leur retard et tenir les objectifs fixés pour 2017-2019, d’autres ont été moins volontaires. Une grande ville se détache, Levallois-Perret (64 000 habitants, taux d’atteinte de 9 % seulement, 50 logements produits en trois ans).

Certaines communes, assujetties depuis l’origine à la loi SRU, affichent pourtant encore des taux très éloignés des 25 % à atteindre en 2025. Parmi les communes de plus de 50 000 habitants, Neuilly-sur-Seine fait partie des trois villes avec les plus faibles taux de HLM .

Les taux de logements sociaux de certaines communes importantes ne font que frémir en points de pourcentage depuis 2002 au lieu de se rapprocher  de leur objectif. Ainsi en est-il à Bois-Colombes (+ 1,31) ou Levallois-Perret (+ 2,36).

Des communes se focalisent sur leur objectif quantitatif et abusent des PLS, logements bien peu sociaux, inaccessibles aux plus pauvres. C’est le cas des communes qui réalisent 100 % de leur objectif via des PLS. On peut citer la ville d’Antony (63 000 habitants), spécialisée sur le logement étudiant, qui n’a réalisé que des PLS, pour la plupart issus de constructions engagées lors de la période précédente et aucun PLAI ou PLUS.

Enfin des communes ont été carencées aux cinq premières périodes triennales et sont à nouveau proposées à la carence par les préfets pour la sixième période, mettant ouvertement l’État au défi : il s’agit de 12 communes dont Neuilly-sur-Seine (taux de logements sociaux : 6,39 %).

Les données fournies par le CRHH du 8 décembre 2020[2] concernant le bilan triennal 2017-2019 de la loi SRU permettent d’aller plus loin dans le détail des Hauts-de-Seine. Ainsi sur les 21 communes qui ne sont pas encore en conformité avec la loi SRU, 11 ont réalisé leurs objectifs quantitatif et qualitatif, une l’objectif quantitatif seulement, Châtillon, 6 l’objectif qualitatif seulement, Bois-Colombes, Boulogne, Levallois-Perret, Saint-Cloud, Vaucresson et Ville d’Avray, et 3 n’ont respecté ni l’un ni l’autre : Antony, Montrouge et Neuilly-sur-Seine.

Prises ensemble, ces 21 communes ont réalisé 83 % de leur objectif quantitatif total.  Et elles ont également réalisé 34 % de PLAI et 27 % de PLS. Mais ces moyennes cachent de profondes différences selon les communes, qu’il s’agisse du respect des objectifs mais aussi du  niveau des taux de logements sociaux qui au 01/01/2019 variaient toujours de 6,39 % à Neuilly-sur-Seine à 24,95 % pour Rueil-Malmaison parmi les 21 communes. Ce taux était de 66,37 % à Gennevilliers et de 28,38 % pour l’ensemble du département.

Les 3 communes qui n’ont respecté aucun des objectifs présentent des situations différentes. Antony, pas très loin de l’objectif quantitatif n’a réalisé aucun PLAI et 22 % de PLS, Montrouge, aux ¾ de l’objectif quantitatif a réalisé 44 % de PLAI mais 37 % de PLS et Neuilly-sur-Seine, très loin de l’objectif quantitatif (18 %) a réalisé 26 % de PLAI et 29 % de PLS.

En 2019, il manque encore 23 968 logements sociaux dans ces 21 communes pour que chacune atteigne le taux de 25 % de logements sociaux. Boulogne et Neuilly-sur-Seine représentent 49 % de ces logements manquants.

L’obligation triennale 2019-2022 est de 11 975 logements pour les 21, supérieure de 46 % à ce qu’elle était sur la période 2017-2019. Pour 4 communes, l’objectif a baissé, pour 8 d’entre elles il a progressé de 46 % ou plus et pour les 9 autres, il a progressé de 11 à 45 %. Les communes qui doivent réaliser le plus de logements sociaux restent bien sûr Boulogne (3 084) et Neuilly-sur-Seine (2 840), suivies par Saint-Cloud (990), La Garenne-Colombes (893), Levallois-Perret (774) et Asnières (704). Ces six communes totalisent plus des ¾ de l’obligation triennale de l’ensemble du département.

La signature des nouveaux arrêtés de carence interviendra avant le 31 décembre 2020.

Toujours à l’occasion des 20 ans de la SRU, L’Institut Paris Région consacre une Chronique du logement à cet anniversaire[3] et fait une analyse sur les 20 ans d’application de la loi en Île-de-France, en soulignant que 232 communes doivent encore atteindre le taux légal de 25 %.


[1] « SRU : UNE LOI INDISPENSABLE FACE AUX COMMUNES RÉCALCITRANTES PALMARÈS 2017-2019 »  Fondation Abbé Pierre  décembre 2020

[2]  Bilan triennal 2017-2019 Ile-de-France  Suivi-sanctions  CRHH 8 décembre 2020

[3]« La loi SRU : avoir 20 ans en 2020 »  Chronique du logement n°8  10 décembre 2020  Institut Paris Région